Miles Davis On the Corner
Peut être faudrait il inventer de
nouveaux superlatifs, moi qui n’en suis guère avare…Mais nous parlons
de ce qui reste l’un des monuments de la musique mondiale. Carrément.
Car comment aborder autrement cette fusion à chaude d’un jazz urbain et
d’un funk psychédélique et bordélique, véritable ode au seventies et
suc de la musique urbaine ? De front, directement, par la face nord,
exactement comme ce disque débute : abruptement, sans précautions
d’usage, exactement comme on se perd dans le métro surchauffé d’une
ville en perpétuelle mutation, grouillante et joyeuse.
En fait, tout a été dit sur On the
Corner, dont on se demande pourquoi il fait encore débat (chez quelques
poussiéreux malandrins qui ont un « genre de bleu » comme horizon
indépassable.). De l’influence de Sly Stone et Jimi Hendrix à l’univers
électronique en devenir, de la présence en pointillé d’une trompette
torturée par les effets électriques, mais qui semble planer sur chacun
des échanges, de la fusion joyeuse des Headhunters, du Mahavishnu
Orchestra et de Weather Report en un seul et même chaudron brûlant, de
la virulence rock du propos mis en cohérence par le producteur Téo
Macéro, toutes les anecdotes de cet album n’ont qu’un seul credo :
relever le caractère absolument exceptionnel du propos et de l’espèce
de magie sulfureuse qui transforma en 1972 les studios de Columbia en
un coin de rue vibrant où se côtoient toutes les imageries du ghetto.
Mais avant tout, « On the Corner »
c’est un matériel brut et dru du foisonnement musical de l’époque, de
sa liberté qui ne s’interdisait aucune rigueur et qui allait chercher
vers d’autres cieux : on retrouve au gré des quatre plages très
compactes de l’album les obsessions et les sons de l’époque : guitares
saturées et aériennes, lourdeur de la basse et voltige de la batterie
pour un groove infectieux, adjuvant d’instruments orientaux… Mais rien
de tout cela ne semble plaqué ou laissant place à une mode éphémère :
tout est planifié pour sonner comme une tribalité urbaine nouvelle et
débridée, qui n’a toujours pas trouvé d’équivalent à sa mesure…
Et une photo qui n'a strictement rien à voir...