Comment transmettre ?
Ce n'est pas parce qu'on est un bête photographe amateur qu'on ne se pose pas des question existentielles quand on shoote ; il ne s'agit pas bien sur du même questionnement qu'un Gilles Caron au Biafra ou d'un Depardon au Tchad ! Mis à part dans des pogos où parmi des beaufs avinés amateur de reggae je n'ai jamais trop l'occasion de me faire bousculer. Là n'est donc pas le propos.
J'ai le temps, trop de temps parfois avant de shooter, et je ne me pose pas souvent des questions éthiques en prenant des photos, parce que la question ne se pose simplement pas, du moins pas en ces termes. En revanche, j'essaye toujours, de par ma formation à l'image, de par mon gout prononcé pour l'ordonnancement des choses à réfléchir à mon cadre pour exprimer un point de vue, une idée. Et en photo de concert une énergie, une note...
Attention, j'ai jamais dis que j'y arrivais...
Mais cette question, je me la suis posée sur le Dôme d'Hiroshima, alors que le souffle me manquait et qu'une sourde rage blanche m'étreignait comme une angine de Haine. J'ai tourné, fureté, j'ai tripoté mon 24mm avant de faire le choix de la photo. Finalement j'ai fait des photos, parce que j'avais envie de montrer la Barbarie et ce qu'il en reste, celle qu'on subtilise à la mémoire humaine parce que c'est celle des vainqueurs, et parce que ce monument imposant et dérisoire ne pouvait pas être éludé.
15 jours après, alors que je retouchai les photos d'Hiroshima, l'écran s'emplit de doutes...
Comment exprimer la sourde colère, l'émotion gigantesque, l'imposante solennité d'un tas de gravas aux armatures tordues, perchoir pour les corbeaux, où le silence se fige tant que la cloche rituelle ne retentit pas ?
Doit-on esthétiser la chose ? Doit on produire crument une réalité au risque désespérant de ne laisser paraitre au "regardant" qu'un tas de pierre parmi d'autres ? Dans "La Chambre Claire" Roland Barthes dit :
"L'Histoire est hystérique : elle ne se constitue que si on la regarde -et pour la regarder il faut en être exclu"
Je n'ai pas la réponse concernant ces photos. Je ne sais si elles évoquent autre chose qu'à moi même... Je n'arrive pas à y retrouver cette angoisse ; j'ai essayé l'ombre et la lumière.
Mais elles sont comme sur l'émulsion, gravée dans ma mémoire.